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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 23:28

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              Dans la Revue française de pédagogie (1996, numéro 116, p. 150-151), le sociologue Joffre DUMAZEDIER fait une analyse critique pertinente de mon livre que je transcris en partie toujours dans le même but signalé à la page précédente, aider le futur lecteur à mieux se repérer dans ce livre scientifique, tout en prenant plaisir à lire la biographie d'Ernestine :

" C'est le récit d'une vie modeste dans le Morbihan. Le gallo est une langue qui se parle encore en Bretagne, à l'est d'une ligne St Brieuc-Vannes. Il a des liens avec les parlers d'oïl de Normandie, du Maine, d'Anjou, de Vendée et jusqu'en Picardie. Alors que le Breton est une langue celtique, le gallo est une langue d'oïl. Tous les deux furent interdits à l'école jusqu'à une date récente. C'était évidemment pour que puissent se répandre plus facilement dans l'ensemble du peuple de France  les disciplines de la difficile langue française. Aujourd'hui, les temps ont changé. Depuis les années 1980, le gallo est enseigné aussi bien dans des collèges et des lycées ainsi qu'à l'Institut de Formation des Maîtres de Bretagne...

"Il n'y a pas que l'école qui forme !", dit Ernestine et elle le prouve. Mais comment une simple cantinière de 65 ans, à la retraite, a-t-elle pu s'autoformer, apprendre, par exemple, à jouer de la bouêze (accordéon diatonique du pays gallo), écrire un recueil de poésies ... (ceci est étudié avec précision dans la seconde partie).

Quant à la première partie, elle est saluée par la revue Langage et société. Elle nous parle avec une compétence savante de parler gallo, de l'alternance gallo-française, de l'identité gallèse et du pays qui la soutient. Cette étude sociolinguistique utilise les questions et les concepts d'un éminent sociolinguiste américain John GUMPERZ. Celui-ci a renouvelé l'analyse du bilinguisme et du multilinguisme aujourd'hui si répandus et si peu contrôlés à l'école dans un monde si perturbé par des mouvements d'émigration et d'immigration d'une ampleur sans précédent...

Dans la seconde partie (pp.127-228) sont observées et analysées les pratiques sociales d'autoformation d'Ernestine dans le contexte culturel qu'elle a vécu aux différents âges de sa vie. Selon le mot de Christian Leray, il s'agit là d'une "biographie éducative" (ou autobiographie éducative ?) distincte d'une simple histoire de vie. Pourquoi et comment émerge cette créativité extraordinaire ? Tableaux et schémas rendent plus concrets ce travail scientifique d'analyse. Une bibliographie très sélective constitue un précieux guide de lecture tant en sociolinguistique qu'en sciences de l'autoformation. On appréciera dans ce livre que les pratiques d'autoformation soient souvent identifiées en partant d'indicateurs précis que fournit la sociolinguistique. Cette étude échappe ainsi aux considérations subjectives, polémiques ou idéologiques qui souvent rendent peu fiables les récits des histoires de vie bourrés d'illusions  autobiographiques. Cette biographie éducative n'exclut pas l'enseignement scolaire imposé à chacun par la loi. Elle l'intègre totalement avec ses influences positives, négatives ou nulles, plus ou moins conscientes. On aimerait que les auteurs d'histoires de vie poussent encore davantage ce genre d'analyses critiques. Enfin, il apparaît ici que l'histoire de vie peut apporter une ressource variable à l'autoformation du sujet, qu'elle s'insère dans une trajectoire sociale."

              En relation avec ces commentaires du sociologue Joffre Dumazedier, je transcris ici de nouveaux extraits de mon livre où Ernestine nous parle d'une tradition culinaire en Haute-Bretagne : la galette de sarrasin (encore appelé en Haute-Bretagne "blé noir") et qu'elle illustre d'une chanson accompagnée de sa bouêze (accordéon diatonique typique du pays gallo qu'elle a appris à jouer au moment de sa retraite) :  

                                               

                                                                    La meire Amelin

                                                      

                                                 La meire Amelin fait de la gallette

                                                 Le peire Amelin va qri les bûchettes (bis)

 

                                                                    refrain

 

                                                Ah y en fit sept le galichon

                                                Le peire Amelin la trouvit ben boune

                                                Ah y en fit sept le galichon

                                                Le peire Amelin trouvit ça ben bon !

 

                                                La meire Amelin fait de la bonne soupe

                                                Le peire Amelin li casse les croûtes (bis)

  

                                                La meire Amelin s'en va à la messe

                                                Le peire Amelin ira vair sa coueffe* (bis)

 

                                                La meire Amelin en fut ben marri

                                                Le peire Amelin avë eune bonne amie (bis)

 

                   Ernestine commente sa chanson en disant :  Il y a comme cela sept couplets car j'ai composé cette chanson dans la tradition sur une musique de "pas de sept" qui est l'une des danses parmi les plus pratiquées dans le pays gallo. (p.262)

 

* coueffe terme gallo qui signifie "femme", ici il s'agit de sa maîtresse ou "bonne amie" .

Quant au terme gallo "galichon", Ernestine nous en donne elle-même l'explication (p. 261) :

"... le galichon était la dernière galette : c'était la plus épaisse, ça grinçait sous les dents parfois car il y avait des petits grains de sable parce que ce n'était pas raffiné comme maintenant. Mais la galette était nature ! On la mangeait avec du beurre, du lait ribot (lait baratté, il s'agit de la partie laiteuse qui ne se convertit pas en beurre), des oeufs et même des pommes. On coupait des pommes en fines tranches et quand la pâte était étalée on les parsemait dessus. Quand les galettes étaient cuites, ça cassait quelquefois, mais elles étaient bonnes, bien meilleures que maintenant."

                                

                                                

 

 

 

                                               

                                                    

    

                 

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