Traduction de la poésie en gallo lue par le petit-fils d'Ernestine dans l'église de Concoret le mardi 11 mars 2008 :
Ma petite Mémé
Maintenant, je suis ici bas depuis 37 ans
Il y en a même qui m'appellent Monsieur
Mais maintenant, je suis comme un gamin tout éploré
Parce que sa petite grand-mère est partie.
Je pense aux crêpes, à toutes ces nuits
Au nouvel an avec tes petits enfants
Mais maintenant, je suis tout éploré
Ma petite mémé est partie.
Il n'y a pas de noir, il n'y a pas de blanc, il n'y a que des gens !
Il n'y a pas de riche, il n'y a pas de pauvre, il n'y a que des gens !
Ne regarde pas tant l'apparence des gens
Mais regarde bien, écoute bien, et regarde plutôt ce qu'ils ont en eux!
Tu peux te reposer heureuse, Mémé
Nous autres, on a bien tout écouté
On essaye d'être des gens bien, d'aller de l'avant tant qu'on peut
Et comme toi, quand c'est difficile,
On recommence jusqu'à ce qu'on y arrive.
Ta voix roulait comme les rocailles sur la terre où tu es née
Entraînant mille souvenirs dans son sillage
Le chêne du Gallo n'est pas prêt de tomber
Tu es de ceux qui n'ont pas permis qu'il soit déraciné.
Tu ne te redresseras plus ma petite mémé
Mais j'entendrai toujours ta voix dans mes oreilles
Et chaque fois, au printemps, quand j'entendrai le merle qui siffle
Je penserai, elle n'est pas bien loin, ma petite mémé qui s'en est allée.
Cette poésie de son petit-fils me fait penser à l'échange qu'ils avaient eu ensemble sur le temps passé, présent et futur et dont elle m'avait fait part le 31 janvier 1990 : "Mes petits-enfants me voient faire des contes, des poésies, ils en parlent avec moi (...) Mais ça leur fait bien plus que plaisir puisque le plus grand qui a aujourd'hui 20 ans et qui fait partie d'un groupe de musique, compose parfois des chansons et écrit des poésies. Tous les deux, nous dialoguons bien ensemble et je vais te lire la dernière qu'il m'a remise :
Le temps d'une grand-mère
Le présent qui s'efface
nous met dans le doute
Incertitude devant le présent
qui ne cesse de naître
et dont nous faisons partie.
Peur du temps qui passe
peur de perdre le temps
qui s'efface, qui se perd
Grand-mère
le temps est encore passé
sa trace est dans ta mémoire
mémoire des hommes
de l'amour, de l'existence
qui t'apporte la sagesse
pour nous éviter la souffrance
Reste grand-mère
reste à l'écoute
de notre doute
donne-nous la sagesse
de ton expérience
un petit-fils qui croit savoir
et qui a besoin de toi
pour apprendre qu'on ne sait jamais rien.
(L'Harmattan, 1995, p.336)